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Un Psy dans la ville
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sujet

Changer de peau

La chirurgie plastique ou esthétique est thérapeutique lorsqu’elle répond à une demande de réparation de malformations innées ou de déformations accidentelles, invalidantes voire handicapantes. Elle vise alors à réparer un être abîmé, à le soigner : elle est « réparatrice ».

extrait de « Il neige », triptyque, 2013
In Hybrid Body

En revanche, il n’est pas question de soin dans les actes qui visent à modifier de façon irrémédiable le corps. Les demandes d’injections de botox, liposuccion, augmentations mammaires, lipoffilling, rhino plastie, etc. sont en augmentation constante et particulièrement chez les moins de trente ans. De thérapeutique, la chirurgie plastique devient transformatrice. Il n’est pas question de mal-être ou de « complexe » que l’on tenterait, dans un acte illusoire, de lever. Le recours à la chirurgie s’inscrit désormais dans une logique consumériste tout à fait décomplexée : il devient banal de s’acheter une paire de fesses ou de seins comme autant d’options ou d’extensions qui configurent un ordinateur, une voiture ou un robot ménager, de disparaitre comme sujet dans le reflet d’un corps objet.

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Virtuelophobie

Monsieur le Responsable Commercial,

virtuelophobie
Casque de réalité virtuelle en action

J’ai bien reçu votre courrier m’informant que « les thérapies par exposition à la réalité virtuelle sont enfin accessibles aux professionnels de la santé mentale », courrier par lequel vous m’invitez à m’équiper pour 100 euros HT par mois d’un casque de réalité virtuelle « solution thérapeutique permettant d’exposer graduellement les patients face à leurs phobies, en les immergeant dans des environnements anxiogènes ».

J’ai été à la fois surprise et amusée de recevoir votre proposition qui se situe à l’exact opposé de mon approche thérapeutique.

Je reçois des personnes qui viennent me parler de leur difficulté à vivre. Cette difficulté peut en effet parfois prendre la forme d’une phobie ou d’une angoisse, ou les deux, mais pas toujours. La phobie ou l’angoisse sont en revanche toujours l’expression, la manifestation de cette difficulté, ce par quoi elle émerge.

Or, vous me proposez de répondre à la demande du patient, non pas en l’invitant à parler, mais en lui demandant d’enfiler un casque de réalité virtuelle. Je n’aurai ainsi

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Psychanalyse et humanisme

unknown-2« Je suis presque le seul à enseigner une doctrine qui permettrait au moins de conserver à l’ensemble du mouvement son enracinement dans la grande tradition : celle pour laquelle l’homme ne saurait jamais être réduit à un objet ».
Lettre de Jacques Lacan lettre à son frère Marc le 5 septembre 1953.

Il est important dans notre monde contemporain de pouvoir affirmer que la psychanalyse se situe dans un courant de pensée humaniste. Encore faut il se mettre d’accord sur la définition de l’humanisme.
Il s’agirait d’un humanisme qui met l’humain au centre, mais avec une nouvelle idée de l’humain qui se distingue de celle du 16ème, 17ème siècle, voir du 19ème siècle. Ce n’est plus l’homme cartésien, qui croit qu’il est là où il pense.
L’invention de la psychanalyse a bouleversé l’idée de l’homme. Elle l’a bouleversé car elle a démontré que le moi cartésien était une illusion. L’humanisme à laquelle la psychanalyse pourrait se référer tient compte de ces avancées.
La psychanalyse prend le parti du sujet. De ce sujet qui ne se confond pas avec le sujet du cogito cartésien. Elle tient compte dans le sujet de ce qui lui échappe. Elle affirme que le savoir sur sa souffrance est du côté du sujet, même s’il l’ignore dans un premier temps. Ce nouvel humanisme peut prendre en compte la conception de l’homme pris dans les lois du langage, de la division du sujet, du sexuel, du manque. Ce n’est pas antinomique et surtout c’est indispensable et urgent car ce qui se trame aujourd’hui est aux antipodes de la prise en considération de l’humain, du sujet de la psychanalyse.
Le transhumanisme notamment utilise le terme d’humanisme en le dévoyant ou plus exactement on peut considérer que le transhumanisme était en germe avec l’idée de l’humanisme du 18ème siècle. La croyance dans le progrès, l’idée que l’homme peut tout, est un tout, subvertit un humanisme qui met l’homme au centre de tout. Mais qui sait que l’homme n’est pas un tout.
La conception de l’homme par la psychanalyse est à l’inverse de la conception de l’homme-machine des transhumanistes. Pour en revenir à la citation de Lacan, la psychanalyse est une thérapeutique, certes, mais elle est une thérapeutique qui a pour objet : un sujet qui ne se réduit pas à un objet.
La psychanalyse ne vise pas à l’adaptation de l’homme à la société, elle ne vise pas le bonheur, elle n’est pas orthopédique ni normative. Elle ne prend en considération que le sujet dans sa complexité, dans ses liens au langage qui le fonde.
Même si la conception de l’homme a radicalement changé avec la découverte de l’inconscient, la psychanalyse s’inscrit dans un humanisme contemporain.
Il est important de le dire afin de se démarquer de toutes les nouvelles formes de psychologie. La psychanalyse n’est pas une psychologie qui fait de l’homme un objet à réparer ou à reconditionner.

Béatrice Dulck