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Un Psy dans la ville
Unpsydanslaville

Société

Malaises contemporains, phénomènes sociaux, actualités sociales, qui interpellent le psychanalyste.

L’intelligence artificielle peut-elle être humaine ?

Les progrès importants de l’Intelligence Artificielle (IA) en matière de langage mettent les chercheurs de tous les domaines en émoi. Les philosophes se saisissent des questions existentielles, métaphysiques et linguistiques posées par l’IA pour en faire, enfin pourrait-on dire, un objet philosophique. Et la psychanalyse dans tout ça ? Peut-elle, ou doit-elle, se saisir elle aussi de la question ? En quoi l’IA interroge-t-elle les psychanalystes ?

Elle les interroge d’un point de vue existentiel.

Le point de départ des informaticiens de la Silicon Valley est de reproduire l’intelligence humaine sous l’angle de la cognition, et de la dépasser ; de permettre à des machines de dépasser les capacités cognitives des cerveaux humains. Dans la poursuite de cet objectif, ils ont rapidement évacué la question de la conscience pour ne se concentrer que sur la progression technique. Très récemment, un vent d’inquiétude a soufflé lorsque les observateurs, et les concepteurs eux-mêmes, ont réalisé que la machine avait réussi à acquérir des compétences non prévues sans qu’ils sachent comment et pourquoi… L’imagination fait le reste..

L’IA est une machine apprenante… mais pour l’instant elle n’apprend que ce qui est dans ses données, les big data, qui sont son carburant, lequel carburant est alimenté par des personnes réelles. Cela peut être très bénéfique lorsqu’il s’agit de données de médicales partagées par des milliers de praticiens…confirmant la vieille sentence : on est plus intelligents à plusieurs que seul…

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Mâle et femelle

« C’est un garçon ! », « c’est une fille ! », ainsi s’expriment les humains à la naissance d’un des leurs, sitôt désigné selon le repérage anatomique qui est fait de son sexe : mâle ou femelle.

Pourrait-on échapper à cette réalité anatomique ? biologiquement non, car les caractères génétiques associés à la caractéristique sexuelle ne peuvent être modifiés : le sexe mâle est porteur des chromosomes XY et le sexe femelle, des XX. Quels que soient les aménagements futurs, un test ADN déterminera, en aveugle et de façon inchangée, l’appartenance à la catégorie biologiquement déterminée.

Pour autant, un être humain de sexe mâle va-t-il impérativement vivre comme un garçon, puis un homme, et un être humain de sexe femelle, comme une fille, puis une femme ?  Autrement dit le genre, féminin, ou masculin, est-il surdéterminé par la caractéristique anatomique ? Cette question ne peut être élaborée sans le recours à deux niveaux distincts : celui de l’anatomie, l’objectif, celui du psychisme, le subjectif, car ces deux niveaux déterminent le masculin et le féminin. Mais, si l’un, l’anatomie est une condition déterminante imparable (l’ADN d’un individu ne sera jamais modifié), l’autre, le psychique, est foncièrement labile et singulier à chaque sujet. Ce qui fait dire à la psychanalyse que tout être humain bricole pour résoudre à sa manière son rapport interne et intime au féminin et au masculin.

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Démocratie et féminin

La décision de la Cour Suprême américaine de supprimer le droit à l’avortement nous plonge, comme tant d’autres, autant dans la colère que dans l’effroi. Effroi face à la régression annoncée sur la place des femmes dans la société, que ce soit en Afghanistan, en Inde, maintenant aux USA, encore et encore les velléités de réduction du libre-arbitre des femmes, le contrôle sur leurs vies et leurs corps, persistent, voire se renforcent. L’humanité ne devrait-elle être organisée que selon cette modalité de domination de l’homme sur la femme ? Ne devrait-elle connaitre que l’ordre phallique, et patriarcal ? Quelques juges, essentiellement des hommes blancs, riches, vieux, investis d’une position de pouvoir arbitraire pour ne pas dire usurpée, nous rappellent malheureusement que cet ordre domine.

A propos de cette décision, un éditorialiste écrivait qu’elle était un signe de plus de l’affaissement de la démocratie aux USA, laquelle est mise à mal dans notre pays également. Les régimes autoritaires écrasent tout ce qui pourrait représenter le féminin et en premier lieu les femmes, alors que la démocratie occidentale contemporaine, dans la continuité du Siècle des Lumières et de la révolution française, favorise la représentation et l’expression des femmes.

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Guerre et illusion

A l’heure de l’évènement littéraire que représente la publication de « Guerre » de Céline, texte retrouvé et mémoire d’une guerre que l’on a dit Grande et pensé dernière, une autre guerre nous menace. Pourquoi de nouveau une guerre, pourrait-on se dire ? Aurions-nous oublié qu’elle est inhérente à l’humanité, qu’elle l’occupe sans discontinuité ? Pendant des décennies elle a œuvré loin de notre univers occidentalo-centré et la voici qui revient en Europe, là, tout près.

Le monde occidental se croyait en paix pour toujours, à l’instar de celui qui a précédé la première guerre mondiale, période d’une grande richesse intellectuelle, technologique, artistique, économique. Le temps d’une guerre et d’une pandémie (la grippe espagnole), ce monde d’hier que décrivait Stephan Zweig, a disparu. Une autre pandémie, puis une guerre dont on imagine qu’elle ne fait que commencer, auront-elles raison de notre monde ?

En 1915, Freud écrivait : « Et voilà que la guerre, à laquelle nous ne voulions pas croire, fit éruption et apporta la … désillusion ». L’illusion est d’oublier que l’être humain est par essence ambivalent, il est bon ET mauvais, et il est soumis à des pulsions ambivalentes : celles de vie et celles de mort. Mais l’illusion est aussi indispensable et se révèle comme le ressort de la créativité. Freud était fondamentalement pessimiste sur la nature humaine et sa conception du monde s’en ressent. Quelques années après Freud, Winnicott, d’un tempérament plus optimiste, voit dans l’illusion un phénomène indispensable dans la construction d’un espace de créativité.

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Mutisme

Voici presque trois mois qu’unpsydanslaville n’a publié aucun article. La fatigue évoquée en février serait-elle responsable de ce mutisme ? Nous n’en croyons rien, mais nous affecterions davantage la responsabilité de notre silence à l’espèce d’effroi qui nous a saisi collectivement à l’annonce de l’invasion de l’Ukraine par Poutine. Effroi redoublé par le risque de l’instauration d’un régime autoritaire en France si le parti d’extrême droite avait remporté l’élection présidentielle.

En attendant le verdict des urnes, dimanche 24 avril, nous avons retenu et notre souffle, et nos mots. La crainte de l’avènement d’un régime fasciste nous a mises comme en état de sidération, et dans un empêchement de penser, donc d’écrire. Car de ce qui pouvait nous arriver de grave, nous ne pouvions faire comme si de rien n’était. Et dans l’intimité de nos cabinets, nous avons partagé avec nos patients l’inquiétude, même si une part d’entre eux ne savaient rien de notre anxiété.

Le programme de l’extrême droite, dans sa volonté de « nettoyer » la France est fondé sur le déni de l’altérité, la haine de l’autre. Il est illusoire en ceci qu’il veut faire accroire que l’on pourrait ne vivre qu’entre soi, dans l’exclusivité du même que soi, sans métissage, sans alliance, sans rencontre. Programme dont les adversaires préviennent à juste titre qu’il conduirait au rétrécissement, car sans la rencontre avec l’autre, le différent, l’alter, alors la pensée s’appauvrit, la vie même s’étiole. Toute la place est faite à la pulsion de mort.

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Fatigue

Nous sommes fatigués, nous sommes débordés, dépassés, exténués… Et pourtant, nous sommes actifs, nous faisons du sport, courons, nageons, sautons, nous surveillons notre alimentation, notre sommeil, avalons des compléments nutritifs, pratiquons les arts martiaux, le yoga et la méditation. Et nous sommes encore fatigués !

Mais que nous arrive-t-il donc ?

Sommes-nous seuls responsables de cet abattement ? car, enfin, avec toute l’énergie déployée pour le combattre, comment se fait-il qu’il ne fasse que croitre, et non se dissoudre ? Peut être déployons-nous trop d’énergie à répondre aux injonctions d’activités venant de toutes parts et à combattre les signes du temps.

Mais la fatigue à la fois physique et psychique qui se déploie chez nous-mêmes et nos contemporains serait bel et bien aussi un fait collectif et sociétal. A force de faire endosser la responsabilité de son bien-être au seul individu, dans une logique capitaliste et libérale, ce dernier craque de toutes parts. Progressivement écarté du collectif dans sa vie professionnelle, dans la désertion des engagements associatifs et politiques, dans la nucléarisation de la vie familiale et le développement de la vie virtuelle en réseaux sociaux, l’individu porte de plus en plus à lui seul l’obligation du bonheur et c’est cela qui le fatigue. La bonne santé contribue à la sensation de bien-être, de bonheur, mais le bonheur se trouve aussi dans les liens aux autres, dans les aventures collectives, les défis relevés à plusieurs, les projets…

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Pulsion de Mort

Dans l’article « Au-delà du principe de plaisir », paru en 1920, Freud s’emploie à montrer que, comme l’enseigne la biologie, la finalité de toute vie est sa mort et que ce qui occupe les vivants, les humains en particulier, est de tromper la mort, d’organiser la vie. De ce fait, au sein même du vivant se livre une bataille constante entre Eros et Thanatos, entre la pulsion de vie et la pulsion de mort.

Mais ce qui serait premier selon Freud, et où il a été extrêmement controversé, c’est cette force pulsionnelle visant notre anéantissement, contre laquelle nous oeuvrons sans cesse. La force de la vie serait une réaction à celle de la mort. La pulsion d’agressivité serait une expression de la pulsion de mort. Pourtant Françoise Dolto y voyait l’expression de la pulsion de vie, celle qui fait qu’on s’accroche, qu’on se bat et se débat, question de point de vue…

Si l’on regarde les choses sous l’angle purement freudien notre compréhension de nombre de phénomènes qui agitent les humains s’éclaire sous un autre jour. Que penser en effet de la guerre, de la destruction des ressources terrestres, de l’accroissement des inégalités sociales … si ce n’est comme la conséquence de notre propension à nous détruire.

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Phobie

Le temps présent est lourd de tensions de toute nature, tant dans l’espace public que dans la sphère privée. Qu’un sujet de société comme la vaccination contre la Covid19, clive autant la société française et les familles en deux camps, n’est pas sans rappeler les clivages de l’affaire Dreyfus. Nombreux sont ceux qui avouent ne plus pouvoir parler de ce sujet en famille ou entre amis.  Et pourtant, que serions-nous devenus collectivement sans vaccin face à cette pandémie galopante…

Comment se fait-il que cette question soit un sujet qui divise et comment ce sujet divise-t-il ?

Les opposants au vaccin  (à ne pas confondre avec les opposants au passe sanitaire) dégainent un argument censé clore toute discussion : « c’est ma liberté ». Bien sûr la liberté individuelle est une valeur essentielle et fondamentale, mais qui rencontre des limites du fait même de la vie en société et de sa dimension collective. L’obligation de s’arrêter à un feu rouge est une restriction à la liberté individuelle d’aller et venir comme bon nous semble. Mais, dans cet exemple, cette liberté est limitée par les restrictions nécessaires à la vie et à la sécurité collectives. Le refus de se faire vacciner est-il une question de liberté individuelle ou s’agit-il d’autre chose ?

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Enfermement

L’enfermement physique auquel sont contraintes des femmes en Afghanistan, au Cameroun dans les tribus Peules, dans tant d’autres régions du monde nous émeut, nous femmes occidentales.

Cependant si le confinement le plus visible des femmes est social et culturel, il est aussi invisible, agissant malgré soi, dans un registre inconscient. On peut également parler d’enfermement psychique, pour toutes les femmes, de tous les continents : nous sommes toutes prisonnières de lois non dites mais inscrites dans nos âmes et nos chairs.

La domination masculine, le patriarcat, enracinés depuis des millénaires dans nos sociétés, ont forgé les représentations internes et les images mentales des femmes -et des hommes. Elles se sont inscrites dans le psychisme humain, en congruence avec le processus civilisateur. C’est la civilisation qui a forgé le psychisme, les affects, complexes, et autres symptômes associés. Les femmes psychanalystes que nous sommes, autrices de ce blog, sont particulièrement interpellées par ce constat. La psychanalyse est une invention d’homme(s), en concordance avec son siècle et son temps. Plus d’un siècle après, aux prises avec un XXI° siècle marqué par les prémisses de la troisième vague de féminisme, elle a le devoir de se réinventer.

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Quand les femmes disparaissent

Les Talibans au pouvoir ont comme première action « politique » de lacérer des affiches qui représentent des visages de femmes, puis ils leur interdisent de sortir de chez elles, seules, puis  les séparent des hommes à l’Université, puis…puis….

Mais que se cache-t-il donc derrière ces actes de répression ? De la haine ? De la peur ? Est-ce vraiment des femmes en elles-mêmes dont ils ont peur ? ne serait-ce pas plutot du désir qu’elles leur inspirent, qu’elles provoquent en eux ? Ces hommes-là, les Talibans et d’autres, fuiraient leurs propres désirs, leur pulsion de vie, ce qui préside aux plus hautes aspirations humaines comme l’art, la musique, la peinture… Naguère ils avaient détruit les Boudhas de Bamian…

Nous pouvons faire l’hypothèse que la peur de leur propre désir, avant tout charnel, pourrait les détourner d’un projet sacré, religieux. Dans un grand mouvement de confusion ils tentent de supprimer chez les femmes tout mouvement, tout signe, qui susciteraient ce désir.

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