La vie psychique ne saurait être confinée
D’un confinement à l’autre les mobilités et immobilités s’engagent différemment. Autant la première décision de confinement nous a saisi collectivement d’un mouvement de sidération, voire d’effroi, autant cette nouvelle édition laisse de la place à la circulation, tant physique que symbolique.
Il y a là une tendance rassurante à observer non pas comme éventuel signe de velléités de désobéissance, mais davantage comme maintien de notre capacité désirante. Il en va de la nature même du désir humain, lequel ne saurait être confiné. Et même si les obligations d’enfermement contraignent tout sujet quant à l’expression et la mise en œuvre de son désir, sa vie psychique, affective, émotionnelle reste en mouvement. En son for intérieur, le sujet reste libre de ne pas céder aux injonctions.
L’espace de parole que représente la scène analytique, ou psycho-thérapeutique, est un lieu à même d’entretenir, de contenir, et de développer, la mobilité de penser, de sentir, de réfléchir. Plus que jamais, face à l’incertitude, cette mobilité est nécessaire.
En effet, la tentation du repli peut paraitre comme un refuge et une protection lorsque l’environnement présente un aspect hostile et menaçant. La conscience d’un avenir pressenti comme devant faire disparaitre nombre de repères est sans doute plus aigüe à l’occasion de cette nouvelle période de confinement.
Pour ne pas être absorbé par l’inquiétude et l’anxiété que génèrent ces incertitudes, maintenir et cultiver une agilité à penser les situations est sans doute un des meilleurs remparts contre les troubles qui menacent nos vies psychiques.
L’angoisse de l’avenir, révélée par l’immobilité et l’isolement, fige la pensée et conduit vers des stratégies d’évitement, comme celle de ne surtout pas vouloir que ça change quand le changement pressenti est inquiétant. De là le risque de glissement vers la croyance en tout ce qui rassure est réel, au prix de croire en de fausses convictions, de fausses vérités, voire des théories complotistes.
De tout temps, l’humain a besoin de croire. La croyance religieuse, accolée aux rituels et aux exigences de la religion, ont longtemps empli cette nécessité. En l’absence de ces supports, et en des temps d’incertitude, le besoin de croire se fixe comme il peut sur ce qui se présente, y compris les mensonges fabriqués, les théories ficelées par des prédicateurs mal intentionnés.
Alors ne nous isolons pas, ne cédons pas aux discours préfabriqués de fausses réassurances prônant une vision statique de la société, et le retour au passé, alors que l’issue sera dans l’invention de la suite. C’est en maintenant le lien de parole, les interactions, donc le dialogue, que nous éviterons d’être immobilisés par l’anxiété et pourrons maintenir la capacité à rêver et créer, celle que D.W.Winnicott a si bien décrite, qui anime le petit enfant et reste toujours potentiellement active et mobilisable, chez l’adulte.
Marie-pierre Sicard Devillard