Entre mère et fille
Entre mère et fille, s’installe très souvent une relation qui fait pleurer, rire, crier… Une relation que les filles se racontent, que les mères peuvent redouter ou espérer. Une relation qui concentre toute la palette de sentiments, d’émotions, de sensations, de contradictions que l’humain compte. Quelque chose d’à la fois unique et puissant, un lien originel, nécessaire et fascinant, que l’on en souffre ou qu’elle soit au contraire source de joie. Une véritable passion !
Sans doute, pour toutes ces raisons, et d’autres encore, cette relation est objet d’écriture, source d’inspiration inépuisable. Quelques textes en cette rentrée viennent une fois encore en témoigner. Deux d’entre eux retiennent l’attention comme deux extrémités possibles de l’amour d’une fille pour sa mère.
L’écrivaine et historienne Chantal Thomas esquisse, dans le récit de souvenirs qu’elle vient de publier [1] les contours d’une silhouette maternelle toute auréolée de tendresse.
Cette mère, que l’on devine défaillante quant à son rôle maternel, nous est présentée comme une passeuse, qui transmet à sa fille une forme d’expérience vivante et vitale, qui peut la conduire sur le chemin de sa propre autonomie. Le temps passe, la mère vieillit, souffre d’une maladie de la vieillesse, sa fille prend soin d’elle. Et pourtant, une mère qui se montre bien plus soucieuse d’elle-même que de son enfant, aurait pu devenir objet de colère et de ressentiment. A travers le texte de Chantal Thomas, l’on devine le chemin effectué pour parvenir à une relation à la bonne distance et sans doute aussi pour pardonner.
La violence entre mère et fille, voilà au contraire ce que nous dépeint l’inquiétante pièce de théâtre « Madame Klein »[2], dont le personnage principal n’est autre que la psychanalyste Mélanie Klein. Dans la vie, Mélanie Klein fut une pionnière de la psychanalyse des enfants. Une large part de ses travaux ont porté sur la nature ambivalente de la relation du nourrisson à sa mère, à la fois aimée et haïe, selon qu’elle apparaît comme satisfaisante ou frustrante. Est-ce là le point de départ de cette fiction où, prenant comme prétexte des éléments factuels, l’auteur déplie le dévoilement de la haine entre une fille et sa mère ? Au demeurant nulle ne sort indemne du combat que se livrent mère et fille et dont elles ne réchappent qu’au prix d’une sortie dos à dos, vers la solitude et l’exclusion.
Bien qu’opposées en bien des aspects, la « grande » Mélanie comme la mère nageuse de Chantal Thomas peuvent nous apparaitre comme des mères frustrantes, insensibles, peu soucieuses du bonheur de leur fille. S’il est peu permis de douter de la nature ambivalente de la relation de la fille à sa mère, il est néanmoins heureux de savoir qu’elle puisse se transformer en apaisement et non en pugilat.
Car de cette première passion amoureuse, il est parfois difficile de s’extraire, tant elle enferme dans ses mailles bien tissées, au nom d’une nostalgie irrémédiablement perdue. L’une comme l’autre, la mère et la fille, risquent de s’en trouver prisonnières à moins de savoir inventer tout au long de la vie une voie d’autonomie et d’apaisement, laquelle passe bien souvent par la parole et l’élaboration.
[1] Chantal Thomas – Souvenirs de la marée basse – Editions du Seuil
[2] Nicholas Wright – Madame Klein – Mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman – Création du Théâtre de la Ville à Paris
Annick Vidal
Même très âgée et ma mère morte depuis plus de 20 ans, je continue à réfléchir à ce lien si fondamental. J’ai aimé ma mère passionnément et pourtant je ne pensais rien comme elle, je ne vivais rien comme elle… Je l’aimais. Chantal Thomas décrit à merveille cette relation, finalement apaisée et complice. Beau livre surtout si, comme moi, l’on n’est né à Arcachon. Chez Mélanie Klein et sa fille , plus que d’amour , il s’agit d’une rivalité âpre, voire mesquine qui nous donne ne pièce forte , tout en tension. Mais la question reste entière: de quoi est faite cette relation?
unpsydanslaville
Une tentative de réponse éclair à cette question fondamentale : la relation entre une mère et une fille est, sans doute plus que toute autre, empreinte de la nature charnelle qui relie une mère à son enfant car on a affaire au « même corps », de par la naissance et de par la morphologie. Unpsydanslaville