La Psychanalyse et le Sacré
La cure analytique est une aventure intime ayant pour finalité de débarasser le sujet de certains déterminismes inconscients qui le freinent sur le chemin d’un accomplissement créatif de sa vie.
Même si comme l’aurait dit Malraux, elle réintégre les démons dans l’homme, elle ne dit rien sur ce qui le dépasse par ailleurs. Bien au contraire.
La fin d’une cure est le moment où le patient comprend qu’il est seul face à l’énigme de la vie.
Il le comprend après être passé par des phases qui lui ont donné l’illusion qu’un autre savait pour lui quelque chose de lui même.
Si aucun Autre ne sait pour lui alors la question existentielle reste entière.
La cure lui permet de pouvoir faire face à cette vérité.
Il trouvera alors, lui même et lui seul, les moyens de trouver un sens à la vie.
La cure analytique n’est pas un chemin spirituel. Elle a des visées beaucoup plus modestes. Elle a comme visée une amélioration de la vie de celui qui en fait la demande.
S’il est exact que « des démons » sont intérieurs, rien n’est dit dans la théorie analytique sur les réponses que chacun est libre de donner aux grandes questions métaphysiques. Néanmoins, elle permet de ne pas être dupe et de percevoir ce qui est névrotique, c’est à dire ce qui le fruit d’une tension inconsciente, dans la manière de croire en un Dieu, en des Dieux.
Chaque patient reste libre d’adhérer à une croyance religieuse. Mais à l’issue d’une cure, celle ci sera débarassée de son fatras névrotique.
Voilà le sens de ce que la psychanalyse peut apporter. Une capacité à réfléchir sur des questions métaphysiques sans que cela soit une manière d’éviter des questions intimes. Elle n’apporte pas de réponses qui vaillent pour tous.
Mais bien qu’elle n’apporte pas de réponse sur le bien fondé d’une croyance, elle n’évite pas la question du Sacré. Bien au contraire.
Freud a, dans ses écrits, démontré que le Sacré est une caractéristique de notre humanité. Dans son livre « totem et tabou », il fait la démonstration du Sacré, comme fondement de nos civilisations. Même s’il s’agit d’un mythe (et peut être justement parce qu’il s’agit d’un mythe), c’est la démonstration que l’homme devient humain lorsqu’il peut utiliser le langage dans sa capacité métaphorique.
Le sens premier du mot Sacré est « interdit » « intouchable », ce sont des notions que la psychanalyse reprend à son compte pour rappeler que nos sociétés sont et doivent être basées sur des interdits majeurs.
Ce sont les interdits qui nous permettent de faire des choix. C’est parce que tout n’est pas possible, que le reste l’est. Ce sont les interdits qui fondent notre liberté.
La psychanalyse a démontré que les hommes avaient en eux la capacité de délier, de détruire mais aussi qu’ils avaient en eux le désir de lier, de se lier, de vivre ensemble. Ce désir ne peut s’accomplir qu’à la condition du respect voulu et accepté des interdits majeurs : pas ceux de la morale (qui est fluctuante avec le temps) mais ceux qui fondent notre liberté et qui cimentent nos sociétés : ceux qui découlent de notre humanisation par le respect de l’ordre symbolique du langage.
Béatrice Dulck