La confiance
L’être humain est un être vivant éminemment sociable. Les liens avec autrui sont même constitutifs de sa psyché. Dès l’origine, dès sa naissance, le bébé ne se constitue comme être humain qu’au contact d’autres êtres humains (voir article sur la pulsion). Le premier attachement est fait de confiance, c’est-à-dire d’une croyance spontanée en l’autre dont le nourrisson dépend. La confiance renvoie étymologiquement à la croyance, à la foi. L’entrée du petit d’homme dans l’humanité à laquelle il appartient, monde du langage et du symbolique, est une affaire de confiance, de croyance, de foi en l’autre, laquelle se manifeste d’emblée du fait de l’état d’immaturité à la naissance. Au début de la vie nous n’avons pas d’autre choix que de faire confiance à autrui.
La confiance est au centre des liens affectifs, du lien social, à défaut, l’autre peut nous apparaitre comme menaçant, persécutant, dangereux, et nous avons peur !
Dans la société néo-libérale et individualiste qui est la notre, les liens sociaux tendent à se défaire au profit du chacun pour soi, d’un repli sur soi qui exclut l’autre vécu comme un danger. Les théories complotistes sont des exemples de la défiance généralisée, de même que l’exigence de sécurité.
A défaut de liens sociaux établis avec l’autre du quotidien, voisin, collègue, passant, une mutation parfois désespérée transforme le besoin de confiance en acte de foi en um Grand Autre, celui qui saurait tout, qui serait tout, instance toute-puissante, politique, idéologique, religieuse…
Mais personne ne peut garantir la sécurité, à l’instar d’une mère qui détiendrait toutes les réponses aux attentes de son nouveau-né. Même cette mère des premiers temps de la vie n’est, comme l’a très justement souligné D.W.Winnicott, que seulement assez bonne, elle-même compose avec ses failles et fait au mieux. Par la suite, c’est tout le tissage de liens avec les autres adultes, les autres enfants, les semblables, les diverses instances de la société, qui permet de construire, chacun à sa manière, un socle de confiance et de sécurité suffisant pour vivre.
Cependant la recherche d’un autre tout-puissant qui assurerait les conditions de la vie de manière inconditionnelle est une quête qui peut demeurer bien accrochée. Surtout dans une société rendue à une telle carence de confiance que le besoin de liens et de sécurité conduit certains à se soumettre à ceux qui font croire qu’ils détiendraient cette place ; parfois la confiance nécessaire à la vie se donnera à qui voudra bien la prendre. Le danger est que cette foi aveugle en quelques uns qui veulent bien faire croire au meilleur comme au pire, est non seulement mensongère mais détruit et empêche le tissage de liens.
Sans confiance il n’y a pas d’espoir.
La confiance est ce sur quoi la psychanalyse repose. Pour que le transfert s’installe le socle nécessaire est une confiance minimale qui permet de croire que l’autre ne me veut pas de mal.
La psychanalyse est ingrate car elle ne promet pas le Grand Soir, elle permet de déconstruire petit à petit les croyances erronées qui font souffrir. Elle permet, dans le meilleur des cas, de reprendre confiance en soi, débarrassé des scories imaginaires source de souffrances. Elle ouvre à l’émergence de nouveaux liens : « pouvoir aimer et travailler », disait Freud. Tout est dit, car tout est affaire de liens.
Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard