Skip to main content
Un Psy dans la ville
Unpsydanslaville

Ce qui se dit dans nos cabinets

La situation politique, depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale, et la campagne électorale qui s’ensuit, ne manque pas de faire parler. Y compris dans nos cabinets, et ce, dans des proportions inédites : même la période des attentats en 2015 n’avait pas donné lieu à de telles manifestations d’anxiété, d’indignation et de colère.

Que penser de cette irruption de la vie sociétale dans le cours des cures analytiques ?

Que penser quand certains patients disent pendant les séances leur inquiétude, leur peur, de ce qui se passe dans le monde actuel, ou au contraire se retiennent d’aborder ce sujet ? Les évènements extérieurs, quand ils comportent une telle charge anxiogène, entrent par effraction dans notre intimité, se mêlent à la cure analytique. Parfois la problématique individuelle est un refuge, parfois elle s’efface sous la pression. La pratique de l’analyste ne doit-elle pas, dans ces circonstances, se centrer sur la recherche d’une mise à distance de cette extériorité angoissante et envahissante, en concordance avec la singularité de chaque patient.

La souffrance dans le rapport au monde et à l’autre, le malaise dans l’altérité, qui s’expriment dans, et à l’extérieur de nos cabinets, sont sans doute les plus profonds des malaises actuels.

La peur de l’autre se niche au coeur de l’humain, Freud en a eu conscience et l’a théorisée comme présence d’un voeu inconscient de mort de l’autre, présent dès les débuts de la vie sur terre. C’est l’histoire biblique d’Abel et Caïn. Mais ce souhait de destruction a pour vocation de rester intime et inconscient, il est recouvert par l’amour, par la découverte de l’autre à travers toute la palette de liens qui peuvent se nouer. Lorsque ce souhait se manifeste publiquement il devient toxique et dangereux. Le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, sont ces manifestations bruyantes de la peur de l’autre, du refus de l’altérité et du voeu de la détruire.

Dans un tel contexte, il n’est pas à exclure que les plus vulnérables psychiquement se fassent sourds aux échos du monde qui les entoure, soient séduits pas les appels des politiques qui prônent le repli sur soi et la disparition de l’étranger. 

Mais nous-mêmes qui sommes affectés par la tournure que prend le cours des évènements politiques, par la menace qui pèse sur notre régime démocratique, sur nos libertés individuelles et collectives, sur un certain art de « vivre ensemble », en quoi cela affecte-t-il ou va-t-il affecter notre pratique ? Ne serions-nous pas également tentés par le repli, l’indifférence à l’autre, cet autre plus précisément qui s’adresse au psychanalyste ?

La psychanalyse sait-elle faire avec le malaise des psychanalystes ? Ceux qui ont travaillé, ou travaillent, dans des pays en guerre, en ayant su s’adapter aux circonstances, sont à même de fournir des repères. Sans oublier que les régimes fascistes ont censuré la psychanalyse, brûlé ses livres. Sur ces bases nous serons conduits à penser autrement l’exercice de la psychanalyse, sa place dans la cité, son retour dans la vie politique. Et nous engager dans la pensée sera aussi nous engager dans une résistance, un combat pour la diversité des liens, pour la nécessaire étrangeté de la vie humaine.

Béatrice Dulck et Marie-pierre Sicard Devillard

alterite, anxiété

Comments (1)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *