Temps psychique et temps légal
L’actualité met de nouveau en lumière la problématique question de la pédophilie dans l’Eglise.
Elle est problématique sous bien des aspects : pour l’Eglise comme institution religieuse mais aussi parce qu’elle met les victimes de ces actes destructeurs face à une réalité insupportable : la prescription.
Qu’est ce que la prescription : une mesure d’ordre social qui consiste à décider que les actes délictueux ou criminels ne seront plus poursuivis au-delà d’un certain temps et en l’absence de plainte de la victime. Mesure d’ordre social car la société considère que le temps qui passe sans action de la victime justifie que la sanction ne soit plus justifiée.
Seuls les crimes commis contre l’humanité sont considérés comme imprescriptibles en raison de leur gravité et de la nécessité de les sanctionner quelque soit le temps passé. L’horreur est éternelle.
Ne pourrait on pas penser les crimes de pédophilie comme des crimes contre l’humanité ?
Il y aurait une excellente raison à cela que le droit devrait prendre en compte. Le temps psychique est le temps qui permet à un sujet de comprendre, d’accepter, de tirer des conséquences des actes qu’il a subit dans l’enfance ou l’adolescence. Ces actes criminels mettront du temps à être assimilés d’une manière ou d’une autre par celui ou celle qui en a été victime. Le temps psychique n’est pas le temps légal.
Beaucoup de ces actes à l’encontre d’enfants ne sont pas connus de la famille en raison de l’extrême honte, du déni et de la culpabilité. L’environnement est souvent un frein aux révélations des enfants car ces actes sont souvent commis par des membres de la famille ou amis de la famille. L’enfant n’aura personne vers qui se tourner et il se taira. Il gardera ce secret parfois toute sa vie. Le secret sera une crypte autour de laquelle tout le psychisme gravitera. Bien sûr cela ne sera pas sans conséquence sur la vie du sujet : vie affective, vie professionnelle. Tous les pans de la vie pourront être concernés. Une vie de souffrance morale sera le prix à payer en gardant le silence.
Mais lorsque par des rencontres, des efforts, la victime se décide à parler, souvent pour des raisons de survie, les faits sont prescrits. La justice tourne le dos, ne soutient pas, n’indemnise pas, ne veut rien savoir.
Mais le temps psychique qui aura été nécessaire, au prix de souffrances intenses, et le courage qu’il faut pour se dévoiler ne sont pas encore compris par la société.
Béatrice Dulck
https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-de-l-eglise/video-regardez-le-documentaire-pedophilie-un-silence-de-cathedrale_2666210.html