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Un Psy dans la ville
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Ne pas être dupes ?

Théories du complot

Bien que nous vivions à une époque où jamais dans l’histoire de l’humanité l’accès à la connaissance, au savoir et à l’information n’a été aussi facile et ouvert à tous, les théories les plus contraires à l’état de nos connaissances font florès.
Comment se fait il que près de 20% de la population, dont une bonne part d’adolescents, croit à ces théories ?
Plusieurs hypothèses peuvent être posées :
La transmission des savoirs et des connaissances se fait depuis tout temps grâce, et au moyen, de la parole d’un autre dépositaire de l’autorité : le chef de tribu, le sage, les parents, les professeurs etc…
L’accès à un « savoir » désincarné via internet manque d’une composante essentielle à la transmission : le détenteur du savoir reconnu, l’auteur en chair et en os du discours. Il est alors possible que tous les discours se vaillent et qu’aucun ne soit digne de confiance. Autrement dit, il ne s’agit plus de se poser la question : qui croire ? Elle s’inverse en « que croire ?» ?
L’adolescence est une période de fragilité psychique où le « qui croire ? » devient une question prédominante. Désillusion après désillusion, désidéalisation après désidéalisation, il vient à l’esprit avec une grande clarté que les parents ne savent pas tout, ont pu tromper, ont pu se tromper…. La conséquence est alors une perte de repères et la recherche de nouveaux, au prix d’une certaine incertitude. L’adolescent cherche et trouve dans son entourage, dans son environnement, de nouvelles figures d’autorité : les amis, parfois les professeurs, un éducateur ou plus malheureusement des bandes constituées.
A ce moment précis de fragilité psychique, la tentation est grande de rechercher, non de nouvelles figures d’autorité (la déception ayant été trop grande), mais de nouvelles certitudes, de nouvelles explications, qui le dispensent d’une réflexion personnelle (que l’adolescent est train d’acquérir) et lui proposent un prêt à penser.
L’adolescent peut aussi sur son chemin rencontrer certains porteurs de discours extrêmes…

La seconde hypothèse est que le succès de diverses théories explicatives du Monde (que cela soit les théories complotistes ou les théories extrêmistes) apportent, dans un premier temps, un soulagement de l’angoisse. Angoisse devant un monde devenu incertain, incompréhensible, vidé de sens.
Une angoisse centrée sur le doute et qui engendre une défiance vis-à-vis des anciens objets de croyance. Angoisse qui se généralise à tous les pans de la vie.
Certains discours sont construits de telle manière qu’aucune objection n’est possible. Ils sont plus importants que leurs auteurs, parfois anonymes ou cachés derrière la « toile ».

Il y a également la satisfaction narcissique d’être détenteur d’un savoir que les autres n’ont pas ou même auquel les autres ne croient pas. Se dégage alors le sentiment d’être une exception, de ne pas se faire avoir comme tous les autres qui sont dans l’ignorance et l’obscurité.
Chercher à croire à autre chose que ce que l’on entend à la télé ou en cours, chercher à croire à des explications extraordinaires qui convoquent l’imagination, permet de s’évader d’un quotidien morose, déprimant, angoissant. Les traînées blanches que l’on voit dans le ciel dans le sillage des avions ne sont pas la résultante prosaïque et scientifique de la condensation de vapeur d’eau émise par les moteurs d’avion : non, ce sont le fruit d’une conspiration mondiale visant à nous anéantir par l’émission de produits chimiques. Ce n’est certes pas moins angoissant sur le fond mais au moins ceux qui y adhèrent ont l’impression de détenir une vérité et de ne pas être dupes.
Et pourtant..

Béatrice Dulck

adolescence, angoisse

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